Déclaration FSU CTA du Mercredi 1er juillet 2020
Madame la Rectrice, Mesdames, Messieurs,
Ce CTA se tient alors que nous sommes en train de surmonter collectivement une crise sanitaire majeure, qui va malheureusement se poursuivre par une crise économique et sociale sans précédent. S’il est trop tôt pour en faire le bilan, il ne nous semble pas inutile d’en tirer tout de même quelques premiers enseignements afin d’agir pour améliorer les choses.
Il appartiendra à la justice d’établir les responsabilités exactes des membres du gouvernement et de l’administration centrale dans la gestion hasardeuse de la crise. Le discours du président Macron du 14 juin a accéléré le déconfinement. Après avoir décidé, dans la précipitation et du fait d’une gestion calamiteuse des masques et des tests, le confinement de la population « quoi qu’il en coûte » et promis de « se réinventer », il a montré qu’il en était incapable. Son discours est resté dans le droit fil du « en même temps » en confirmant une orientation libérale, la volonté de « travailler davantage » pour combler la dette, en l’habillant à peine d’une teinte sociale ou écologique. La décision de rouvrir les écoles était déjà clairement dictée par un impératif économique laborieusement camouflée sous des préoccupations sociales parfaitement légitimes mais malheureusement invalidées par la liberté de choix laissée aux familles. Cette « scolarisation facultative » tout à fait scandaleuse a posé des problèmes considérables et porté un préjudice incommensurable à l’école. Le retour de l’obligation scolaire est une bonne nouvelle, même si le mal est fait. Mais ses modalités pratiques ont généré un travail considérable sur le terrain, dans les écoles et les collèges qui se sont démenés, depuis des semaines pour appliquer le protocole sanitaire. Cette ignorance de la réalité de nos métiers est inquiétante.
Le ministre Blanquer porte sans aucun doute une responsabilité importante dans cette méconnaissance. Nous avons déjà eu l’occasion de dénoncer le climat délétère alimenté par les déclarations du ministre de l’Education nationale. Affirmant tout et son contraire pour être régulièrement démenti par le premier ministre, ses interventions intempestives dans les médias créent de la confusion, de l’incompréhension, et en définitive de l’angoisse et de la frustration chez les personnels et parfois les élèves. En déclarant, contre l’évidence que « tout était prêt pour la continuité pédagogique » fin mars ou en laissant penser fin mai que « tous les élèves allaient pouvoir être accueillis à l’école », il a alimenté la défiance entre certains parents et les enseignants, défiance qui a culminé dans une séquence médiatique de « prof bashing » d’une violence inédite.
Mme la Rectrice, vous vous êtes exprimée à plusieurs reprises pour apporter votre soutien aux personnels de l’Education nationale et à leur engagement face à cette situation inédite. Mais cette démarche est malheureusement vaine, tant qu’à l’échelon supérieur, les propos et les actes ne vont pas dans le même sens. Après les épisodes de la loi Blanquer, des réformes du lycée et de la voie professionnelle, de la loi Fonction Publique et de la réforme des retraites, la rupture est consommée entre les personnels de l’éducation et leur ministre. Et il est bien cruel, pour ne pas dire insupportable, d’entendre le président Macron saluer le rôle des corps intermédiaires et des syndicats alors que se met en place depuis janvier 2020 la loi de transformation de la fonction publique avec la suppression de toutes les CAPA Avancement, Promotion, Mutation, gages de transparence et d’équité pour tous les personnels.
La crise a pourtant bien montré que le dialogue social était indispensable. De nombreuses réunions se sont tenues, elles ont permis d’échanger, de faire remonter les inquiétudes des personnels, de répondre à leurs attentes, aux questions très nombreuses qui se posaient. Mais le dialogue social, ce n’est pas seulement débattre des problèmes rencontrés, c’est aussi accepter d’entendre et de prendre en compte les préoccupations des personnels.
Comment ne pas parler du rapport de la cour des comptes qui n’a d’autres buts que de soutenir les projets d’externalisation de la santé scolaire, de l’orientation et des services sociaux. Tous ces services ont plus que jamais leur place au sein de l’éducation nationale et au sein des équipes éducatives. L’orientation et les compétences de psychologue doivent rester l’expertise des PSY-EN, les soins et la santé aux services de santé scolaire, le social et l’éducatif aux services sociaux.
Nous examinons également le PAF qui marque, cette année encore le grand décalage qui existe entre l’ambition qu’il affiche et la déception qu’il suscite. La crise sanitaire a en effet montré la formidable capacité d’adaptation des personnels qui ont dû, du jour au lendemain, basculer sans préparation et sans formation dans le télétravail. Les enseignants ont dû, dans l’urgence et sans moyens, apprivoiser de nouveaux outils, mais surtout faire preuve d’une grande inventivité pédagogique pour continuer à accompagner leurs élèves. Leurs attentes en termes de formations sont d’autant plus importantes maintenant mais elles sont hélas très régulièrement déçues car perçues comme trop descendantes, quand il ne s’agit pas d’une adaptation à des réformes majoritairement rejetées. Les enseignants sont pourtant des experts de la pédagogie et ils en ont apporté la preuve.
Si on peut se féliciter, collectivement, de la manière dont les choses se sont passées dans l’académie, que ce soit sur le plan de l’accueil des enfants des personnels prioritaires, de la « continuité pédagogique », ou de la réouverture des écoles, collèges, lycées, on le doit à une mobilisation exemplaire de tous les acteurs de l’école publique.
C’est pourquoi, Madame La Rectrice, nous ne pouvons accepter cette politique libérale sans issue qui fait exploser les inégalités scolaires et peser la menace d’une externalisation de certains domaines disciplinaires.
Pour que le monde d’après ne soit pas celui d’avant mais en pire, un changement de cap est nécessaire.