10 mars 2020

Actualités

Mesures sanitaires : Enseignement à distance, Travail hors de la classe & Continuité pédagogique

Enseignement à distance, Blogs et ENT, mails et contacts aux familles, données personnelles… Un point est nécessaire sur les obligations de service des personnels au regard de certaines demandes du rectorat. Bien souvent les demandes ne sont pas règlementaires et ne peuvent être initiées que sur la base du volontariat. Le SNES-FSU d’Amiens propose de vous apporter un éclairage sur la situation.
Les écoles et établissements sont fermés et il est probable que d’autres le soient selon l’évolution de la situation.

Les demandes exprimées par l’administration pour ce que le ministre appelle la « continuité pédagogique » sont, dans la très grande majorité non règlementaires.

  • Suis-je obligé-e d’appeler les parents ? Non
  • Suis-je obligé-e d’ouvrir un espace « ma classe virtuelle » sur le site du CNED ? Non
  • Suis-obligé-e de communiquer aux familles des fichiers ? Non
  • Suis-je obligé-e de répondre à toute heure du jour et de la nuit à ma hiérarchie ? Non

Notre travail est, depuis des années, dégradé, rappelons-nous le suicide de notre collègue Christine Renon. Il n’est plus possible de compter uniquement sur la « conscience professionnelle » des enseignants pour pallier les manques de l’administration :

  • Où est la continuité pédagogique rabâchée par le ministre depuis une semaine quand un-e enseignant-e est absent-e une semaine sans être remplacé-e ?
  • Où est l’administration quand des conflits avec des parents ou élu-es atteignent leur paroxysme sans répondre ?
  • Où est l’administration quand certains établissement ne sont pas encore dotées de savon liquide et de solutions hydroalcooliques ?
  • Où est l’administration quand les collègues souhaitent une vraie formation ?
  • Où est l’administration quand les délégué-es des personnels réclament depuis plusieurs années une médecine du travail ?
  • Où est l’administration quand les délégué-es du personnel ne cessent de remonter les doléances des collègues qui sont souvent les mêmes (injonctions, manque de reconnaissance, …) ?

Les personnels de l’éducation nationale n’ont reçu aucune formation généralisée sur la mise en place d’ENT ou de blogs de classe. Il n’y a pas d’obligation à mettre en place ces outils « en catastrophe » et « en se débrouillant tout seul ».
Les personnels de l’éducation nationale n’ont jamais reçu de dotation financière ou de matériel afin de s’équiper en informatique et en connexion internet. Il ne peut donc rien être imposé à distance aux personnels sur ces aspects.
Les personnels de l’éducation nationale ont eux aussi des enfants qui n’iront pas à l’école suite aux fermetures d’établissement et donc doivent aussi s’en occuper (possibilité de demande d’ASA avec un certificat de scolarité).

Plus généralement, nous invitons les personnels à la prudence et à ne pas mettre le doigt dans l’engrenage. Les inégalités sociales qui traversent l’école et notre pays sont importantes et n’excluent absolument pas l’usage du numérique.
Des inégalités sociales renforcées
Comme tout travail scolaire réalisé à la maison, le dispositif en ligne « Ma classe à la maison » renforce les inégalités scolaires fondées sur les inégalités de ressources économiques, éducatives et culturelles des familles.
Le dispositif se confronte à la problématique générale de la « fracture numérique » : le dispositif suppose un équipement informatique complet (PC + imprimante), une connexion haut débit pour les activités interactives et un espace de travail propice à la concentration de l’enfant, plusieurs heures dans la journée.

D’autres questions se posent :

  • Comment les familles qui ont plusieurs enfants scolarisés peuvent s’organiser ?
  • Comment faire quand l’ordinateur n’est pas dans une pièce isolée du son permettant la concentration ?
  • Pensons-nous sérieusement qu’il est possible d’apprendre, dès la maternelle, à distance et derrière un ordinateur ?
  • L’ensemble des ressources proposées est particulièrement fourni et peut décourager la lecture des parents qui maîtrisent le moins la langue écrite. Aucune aide méthodologique n’est proposée pour l’articulation des différents supports (cahiers, activités interactives, livres numériques), ce qui suppose également un usage expert, réservé aux familles qui maîtrisent les codes de l’école.

Un accompagnement pédagogique qui ne va pas de soi
Les activités à distances peuvent nécessité la présence d’un adulte auprès de l’élève qui les réalise. Cela pose la question de la disponibilité de l’adulte et de la mise en œuvre des dispositifs de compensation financière des jours consacrés à la garde des enfants. Si l’indemnisation est garantie pour les salarié-es, qu’en est-il pour les travailleurs et travailleuses précaires, intérimaires, rémunéré-es à la tâche, etc ?
De manière générale, la substitution du parent profane à l’expert pédagogique qu’est l’enseignant-e pose problème, en termes de reconnaissance de la professionnalité enseignante et de banalisation de l’idée selon laquelle n’importe qui pourrait enseigner. C’est évidemment un leurre car le repérage de ce qui fait obstacle aux apprentissages, des erreurs types impliquant telle ou telle remédiation (notionnelle ou méthodologique), de l’équilibre entre étayage et dés-étayage relèvent bien de l’expertise pédagogique de l’enseignant-e.
Les interactions entre des élèves qui éprouvent des difficultés dans leurs apprentissages et des parents démunis du point de vue de l’intervention pédagogique ont toutes les chances d’occasionner malentendus, tensions et in fine dévalorisations de l’image de soi des enfants (en « échec ») et des adultes (incapables de proposer une aide).
Certains parents des zones du « cluster » de l’Oise se sont confiés aux enseignant-es : « j’ai essayé de faire la classe à la maison, mais je n’y arrive pas, il-elle ne m’écoute pas ».
Comme le disait la rectrice en réunion jeudi : personne ne pourra remplacer le professeur ! Nous demandons au ministère d’arrêter de faire penser le contraire à une opinion publique et médiatique éloignée de notre réalité.
Aucune adaptation
Outils et progressions sont proposés sous une forme unique, sans différenciation envisagée, ni adaptation aux élèves à besoins éducatifs particuliers, par exemple les élèves dyspraxiques ne bénéficient pas d’un carnet de bord spécifique (celui-ci étant particulièrement chargé visuellement).
La progression est évidemment « théorique » et ne s’inscrit pas dans la progression.
Des activités d’entraînement peuvent confronter l’élève à des notions qui n’ont pas été découvertes en classe ou insuffisamment maîtrisées.

Pour conclure...
Où est la réflexion sur les rapports à l’écran et particulièrement des enfants quand les autorités sanitaires invitent les familles à la prudence sur l’utilisation du numérique pour les plus jeunes ?
De manière générale, la continuité pédagogique peut-elle être assurée hors la classe ? Rien n’est moins sûr, tant elle est dépendante des grandes disparités des réalités sociales et culturelles des familles et de leur rapport à la culture scolaire et privée de l’expertise professionnelle enseignante.
Face à une situation exceptionnelle qui nécessiterait l’utilisation à grande échelle de l’enseignement à distance, Jean Michel Blanquer sur ce sujet comme sur d’autres devrait faire preuve de plus de mesure. Si l’on peut parler de "continuité scolaire" il est abusif de parler de "continuité pédagogique". C’est un peu comme si on expliquait que des cahiers de vacances peuvent remplacer des enseignant-es.
Notre Ministre voudrait faire croire à l’opinion publique que l’on peut rapidement mettre en place un enseignement à distance. C’est un leurre pour masquer le manque d’anticipation.

Cher-es coll-ègues, soyons prudent-es. Refusons les abus. Dans chaque équipe, concertons-nous avant de prendre des décisions ! Saisissez le SNES-FSU en cas de problème !

Le SNES-FSU a publié au niveau national un article faisant le point sur les droits des personnels qui est régulièrement mis à jour.
Vous pouvez le retrouver ici : https://www.snes.edu/Coronavirus.html