Pour commencer, citons l’extrait d’une communication émanant d’un Principal adjoint à l’attention d’un enseignant. Nous épargnerons l’auteur de la mention de son nom. Par soucis de vérité, nous avons conservé les fautes d’orthographe de cet expert en pédagogie : « Quand à la liberté pédagogique, je vous rappelle que celle-ci s’exercice dans les limites et les contours fixés par l’établissement à travers le conseil pédagogique et le CA ».
Voilà qui fait frémir… et aussi un peu sourire.
Depuis le début de la réforme se met en œuvre au sein de trop nombreux collèges une manœuvre des Directions administratives pour instaurer de manière indue, et même en dépit du droit et des textes officiels, un système autoritariste abusant d’ingérences quotidiennes dans la pédagogie des enseignants, et en usant de pratiques où ne sont pas rares les harcèlements, les menaces, les manipulations de la parole et des personnes.
Si le Livret Scolaire Unique est venu remplacer le LPC et a établi de manière très claire les obligations concernant l’évaluation des élèves, il n’implique absolument pas que les Principales et Principaux mettent la main sur les modes d’évaluations et les pédagogies des enseignants. En outre, le LSU s’appuie sur le choix libre des enseignants quant aux modes d’évaluations et aux pédagogies (les décrets sont sans ambiguïté sur cet aspect crucial du métier : 2015-372, 2015-1929). Or, il apparaît que des directions de collèges saisissent l’outil de l’ancien LPC (le Socle de compétences) et exploitent les systèmes numériques, les habitudes de beaucoup de collègues et la méconnaissance de leurs droits, pour imposer un système où l’administratif s’empare des prérogatives pédagogiques de manière excessive : obligation de passer par le renseignement permanent de multiples compétences pour soi-disant pouvoir utiliser le LSU. C’est là une évidente manipulation qui n’hésite même pas sur les moyens peu honnêtes pour s’imposer (désinformation, mauvaise foi, mensonge flagrant, autoritarisme, entrave aux débats contradictoires, utilisation des Inspections comme formes d’intimidation…)
Cette manœuvre a pour effets de mettre tous les enseignants sous la coupe d’une interventionnisme malvenu, et souvent incompétent, de l’administration dans le fond même du travail de l’enseignant, se traduisant par une surveillance continuelle, des mises en garde parfaitement injustifiables sur des obligations infondées, sur des cahiers des charges sans statut valable.
Les enseignants n’ont aucune obligation de travailler et d’évaluer par compétences, ou encore « sans notes », dans un logiciel ou un autre afin de remplir leur obligation de renseigner le LSU. Toute espèce de bulletin édité parallèlement au LSU par un établissement n’a pas la valeur légale le rendant obligatoire. Il est du ressort des enseignants de décider de leurs pédagogies et de leurs évaluations tant que cela respecte le cadre national du LSU (et seulement du LSU). La pluralité des approches (notes, compétences ou autres…) est permise, et sans aucun doute souhaitable, et n’a pas à être réduite par les directions des collèges ou quelques enseignants un peu trop « exaltés ». Il est alors crucial pour les enseignants de ne pas faire voter au CA des directives trop fermées (les « limites et contours » citées plus hauts) sur l’évaluation et la pédagogie, de rester maîtres du Conseil Pédagogique afin que celui-ci ne devienne pas une sorte de DRH : un Conseil pédagogique restant ouvert à tous, ne pouvant prendre de décision sans l’accord de tous les collègues (les membres présents n’étant pas des élus), devant publier des comptes rendus de ses réunions.
Il est à regretter que dans certains collèges, des directions administratives tentent de s’imposer comme des autorités pédagogiques, s’appuyant sur un certain clientélisme, sur une utilisation peu saine des Conseils pédagogiques et sur de la désinformation, pour imposer un management des cours et des évaluations qui restent du ressort des enseignants et de leurs Inspections académiques.